LE JOURNAL DU DIMANCHE, 15 janvier 2006
Par Carlos GOMEZ

LIBERTINE SÉDUIT BERCY

Comme Barbara, elle pourrait chanter : « Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous ». Comme Barbara, son apparition provoque des transes dans les premiers rangs, prétexte à un culte étrange qui doit plus à la religion qu’au music-hall. Comme Barbara enfin, Mylène Farmer cultive le secret hors scène, moins par calcul que par névrose ou vertige. Mais, contrairement à la dame en noir, la fille en rouge n’est pas encore considérée comme une artiste "importante" par beaucoup d’observateurs. Le show qu’elle offre à Bercy depuis vendredi (et jusqu’au 29 janvier) va peut-être infléchir la tendance.

Mylène Farmer n’a jamais eu de voix (et ça ne va pas s’arranger maintenant), ce qui ne l’empêche pas d’avoir une couleur et un univers intéressants, riches d’une poignée de textes imprégnées de mélancolie enfantine, ses des mélodies plus délicates que ne l’indiquent des arrangements parfois bruyants ou tapageurs. Son show à la mégalo fascinante (elle apparaît sur scène en s’extrayant d’un sarcophage qui a traversé lentement les airs), ses décors (d’inspiration mi-perse, mi-thaïe) ne l’écrasent jamais. Au contraire, elle surfe plutôt avec autorité sur la pyramide néo-aztèque qui emplit d’un coup le fond de la scène. Qu’elle chante accompagnée d’un seul piano (Yvan Cassar) ou encadrée de danseurs flamencos (des "brutes" dans le bon sens du terme), les refrains de Mylène Farmer séduisent sans forcer. Ils inspirent même une force de respect lorsqu’on réalise, par exemple, que celui de ‘Libertine’ a été écrit il y a vingt ans déjà ou celui de ‘Sans contrefaçon’ (« je suis un garçon »), il y a à peine moins.

Une deuxième scène évoquant un vague symbole égyptien occupe tout le milieu de l’enceinte et lui permet – au premier tiers du show – une relation plus intime encore avec ce public, qui attendait l’ouverture des portes dès 7 heures du matin. Libertine se fait alors résolument câline, le seul moment où l’émotion la débordera un peu. Le public à l’unisson vient de chanter avec elle quelque chose sui dit « Redonne-moi le goût de vivre », alors elle a posé un genou à terre et laissé filer une larme, vaincue, mais heureuse de l’être.

Parmi les spectateurs qui applaudissaient (presque) à tout rompre vendredi, on remarquait Audrey Tautou. Carole Bouquet et Raphaël sont annoncés aujourd’hui. Vous verrez qu’assez vite, même ceux qui émettent des doutes regretteront d’avoir raté ça.


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