Dans l'édition du 8 Janvier 2006 du Journal du Dimanche, et à quelques jours du lancement de son spectacle à Bercy, Mylène Farmer se confie à Henry-Jean Servat dans une interview essentiellement consacrée à Franck Sobier, créateur des costumes du spectacle « Avant que l'ombre... À Bercy ».

Il faut rappeler que Mylène l'a découvert grâce à son travail sur l'opéra « La Traviata » mis en scène en juin 2005 par… Henry-Jean Servat !

 

MYLÈNE FARMER, HABILLÉE POUR L'HIVER

À la veille de Bercy, elle dit sa "hâte" et son "angoisse" mais détourne
les lumières vers celui qui signe ses robes de scène : Franck Sorbier.
La chanteuse qui ne donne jamais d'interview se confie.

C’est assurément l’une des opérations les plus secrètes du moment. A partir de vendredi prochain, 13 janvier, et jusqu’au dimanche 29, le Palais omnisports de Bercy va accueillir la chanteuse vendant le plus de disques en France. Toutes les places (170.000) dont 40.000 le premier jour de l’ouverture des caisses, ont été achetées et les soirées se dérouleront à guichets fermés. Déjà, des places se négocient au marché noir à des tarifs faramineux de 600€. Connue pour son goût du secret et son refus de s’épanchez dans la presse, Mylène Farmer a voulu et conçu un spectacle qui, plus encore que les précédents, décoiffe. Gigantisme des décors qui rendent impossible toute tournée en France, danseurs et danseuses venus d’Amérique, jeux et jets d’eau sur scène, costumes féeriques, ambiance d’opéra sont, à ce jour, les uniques et maigres informations connues sur un sujet qui enflamme les imaginations et soulève déjà des passions.

Mylène Farmer, qui ne donne quasiment jamais d’interview (la dernière date de décembre 2001 à Paris Match), a accepté de se confier ici. Tenant à ne rien révéler de son spectacle et à garder pour son public « les nouveautés et les surprises », elle ne lève le voile que sur ses dessous et sur ses dessus, par amitié et par admiration pour le couturier Franck Sorbier. Comme Sabine Azéma avait contribué à faire connaître Christian Lacroix, comme Deneuve a œuvré pour Saint Laurent, Miss Libertine met sa notoriété au service du créateur. Il le lui rend bien : « Mylène est une authentique séductrice. Une femme très touchante, à laquelle on ne peut rester indifférent. Elle cherche le meilleur en tout, même s’il lui arrive de traverser des moments d’angoisse. Je suis aujourd’hui un fan qui, comme des milliers d’autres, la respecte et l’aime. » Leur collaboration a abouti à la confession des 280 pièces d’habillement de ses treize grands concerts.

Mylène Farmer, à quelques jours de votre premier concert, quel est votre état d’esprit ?
Hypersensible. Angoissée. J’ai la peur au ventre. Mais je me sens, aussi et surtout, très heureusement, tellement heureuse de retrouver mes fans. Il s’agira de l’un des moments essentiels de ma vie. J’ai hâte.

Pour votre retour sur scène, vous cherchiez des idées pas cousues de fil blanc et un couturier qui vous taille des costumes dans l’étoffe de ses rêves.
J’avais une seule idée en tête. Trouver quelqu’un ayant un véritable univers, et des correspondances avec le mien. Quelqu’un de surdimensionné. Le hasard me l’a fait rencontrer en la personne de Franck Sorbier.

Que vous ne connaissiez pas auparavant ?
J’avoue. Ce qui n’a rien d’étonnant puisque non seulement je n’assiste pas aux défilés de couture, mais encore je ne sors jamais.

Puisque vous ne mettez jamais les pieds dehors, comment alors l’avez-vous découvert ?

Chez moi, j’ai vu dans un magazine un joli reportage sur les préparatifs et les répétitions d’un opéra magnifique, « La Traviata ». Je suis tombé en admiration devant l’une des robes de l’une des cantatrices. Elle était longue, façon Second Empire revisité. Elle s’étalait rouge sang. Somptueuse, gigantesque. Comme une coulée de tissu, une cascade de lave voluptueuse. J’ai compris immédiatement que c’était là le genre de tenues que j’attendais. Un coup de foudre et une évidence.

Alors, votre première rencontre ?
En silence. Je luis avais demandé de venir à moi. Seul. Franck est quelqu’un d’extrêmement secret qui ne sort pas facilement de sa réserve et qui ne trahit pas aisément ses émotions. Un langage que je comprends très bien. Nous nous sommes d’emblée reconnue et bien entendus, sans avoir à nous parler. Nous vivons l’un et l’autre, dans le doute permanent. Avec, par-dessus tout, le souci du travail très bien fait.

Qui a donné les idées à l’autre ?
Franck n’était pas, je crois, plus familier de mon univers que je ne l’étais du sien. J’avais des thèmes en tête quant aux décors et quant aux costumes.

Etes-vous intervenue dans leur élaboration ?
Oui. A partir des croquis qui m’ont été proposés. J’ai découvert les métiers à l’ancienne qui composent le monde de la haute couture. Je n’ignore plus rien du vocabulaire des tissus. J’ai partagé toutes les étapes de la création. Nous sommes partis de choses existantes, revisitées par moi. Au final, ce ne sont pas des costumes que je porte, ce sont ces costumes, fous et insensés, qui me portent et me transportent.

Qu’allez-vous faire de vos costumes, le spectacle terminé ?
Je vais les garder chez moi. Tous les garder. J’ai même acheté des mannequins de modélistes pour les mettre dans une pièce.

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