// VENDREDI 9 OCTOBRE 2009
YVAN CASSAR : CONFESSIONS CAPILLAIRES

Mylène est en couverture du numéro d’octobre de Platine à l’occasion d’une interview… d’Yvan Cassar ! Il faut croire qu’utiliser Mylène en couverture est plus vendeur qu’Hugues Aufray, c’est d’ailleurs la quinzième fois que le « magazine de la variété » met Mylène à l’honneur. C’est donc dans ce 164ème numéro que son fidele compagnon à la chevelure touffue parle de sa carrière et évoque de temps à autre sa collaboration avec Mylène, dont voici les extraits les plus savoureux !

(...) Le patron de Méga, qui était Thierry Rogen avait été étonné par mes arrangements lors d'une séance de cordes pour Réjane Perry, car ça ne se faisait plus du tout. Thierry a alors parlé de moi à Laurent Boutonnat qui travaillait aussi à Méga pour Mylène. Du coup, je l'ai rencontré. J'ai fait la musique de « Giorgino » avec lui (Ndlr : 1994), puis la séance avec eux (Ndlr : tournée 1996, tournée 1999/2000, Bercy 2006, tournée et Stade de France 2009).
(…)

Cela a-t-il été facile de passer du travail pour une inconnue, Réjane, au travail pour une star, Mylène ? En 1994, cela faisait dix ans qu’elle chantait…
Oui, cela a été facile, car, lorsque j’ai travaillé avec lui, j’écrivais les partitions d’orchestre, nous étions complémentaires.

Vous souvenez des titres des 19 morceaux que vous avez arrangés : « À Catherine », « En calèche »…
Non, je ne me souviens plus des titres, en revanche, je me rappelle parfaitement de ces musiques… (sourire)

Pourtant, comme Lynda Lemay plus tard, Laurent Boutonnat et les éditions Calliphora vous ont donné une part d’arrangeur à la Sacem… c’est pas mal pour un débutant, non ?
De toute façon, avec ces gens, cela a été une super aventure. Vraiment.
(…)

Depuis 1994, vous n’avez cependant pas joué sur tous les albums de Mylène, vous étiez sur l’avant dernier, « Avant que l’ombre… », pas sur le dernier, « Point de Suture », pourquoi ?
Non, parce que le couple qu’elle forme avec Laurent n’a pas toujours besoin de moi. Laurent Boutonnat, qui est arrangeur, producteur, m’appelle quand il a besoin de moi. Et s’il n’a pas besoin, il n’a pas besoin.

Faire trois tournées à la suite avec un même artiste, comme cela a été le cas avec Mylène ou Johnny, n’est-il pas difficile ? N’avez-vous pas des problèmes à toujours trouver de nouveaux arrangements pour les tubes incontournables de chacun d’eux ? « Libertine » par exemple ?
En l’occurrence, « Libertine », ça allait parce que je ne l’avais pas faite beaucoup.

J’imagine cependant qu’avec Mylène, il y a des titres que vous avez dû renouveler quatre fois…
Si, si, si… Mais c’est très amusant. C’est ça le bonheur de la musique. Pour Mylène, il y a cette dimension, c’est vrai, mais sur celui où elle existe le plus, c’est Johnny. J’ai dû faire cinq version de « Que je t’aime ».

Vous ne devez pas être loin avec « Désenchantée » ?
Euh… J’ai bien du la faire trois fois… (sourire) Ensuite, il y a des versions que j’aime moins, car ces dernières se font à des moments précis et tiennent compte du son du moment. La manière dont on a fait « Désenchantée » en 2009 est vraiment dans l’humeur du temps. Je n’aurais pas pu la faire, il y a trois ans. (…)

Est-ce courant que vous soyez intégré à la mise en scène ? Avec Mylène, au Stade de France, vous étiez déguisé en ecclésiastique…
Non, parce que c’est la spécialité de Mylène de créer des personnages… Mais c’est divertissant, ça me change un peu… Ca m’a fait également un drôle d’effet d’arriver sur la scène centrale de Bercy en pope il y a trois ans. Dans la vie, il faut faire des choses qu’on n’a jamais faites. J’ai vu trop de gens de ce métier aigris pour finir comme eux. Je n’ai pas envie de perdre l’envie de faire de la musique. Même si plus personne ne m’appelle, ce qui peut m’arriver ce métier étant fait de modes, j’espère que j’aurai toujours un piano pour jouer, même seul, dans mon coin.
(…)

Il reste Mylène Farmer. Quelle est sa grande qualité ?
La grâce et l’émotion.

Avez-vous été étonnée qu’elle s’en sorte si bien lors des pannes du 11 septembre au Stade de France ?
C’est incroyable, cette artiste, la manière qu’elle a de communiquer, je pourrais dire de communier, avec son public. Cette générosité… J’au fait des Stades de France avec Johnny Halliday et avec Mylène, qui sont vraiment la thèse et l’anti-thèse : homme et femme, grosse voix et voix très fragile, et force est de constater que les deux sont des bêtes de scène. Mylène ne m’a pas étonnée dans les pannes car je ne fais pas que certains articles de presse, je la connais bien et je sais ces capacités…

D’improvisation ? Elle ne les montre pas souvent…
Elle n’a pas à les montrer, mais c’est quelqu’un d’extrêmement charismatique avec énormément de capacités.

Au fait, quelle a été l’origine des pannes ? L’avez-vous su ?
Je ne suis pas assez compétant en technique pour vous en parler.

Avec toutes les scènes que vous avez faites avec Mylène ou d’autres, cela vous était-il déjà arrivé ?
Non, c’est la première fois. Mais cela nous a permis de vivre quelque chose d’incroyable. Je ne pourrais jamais oublier ce moment où le Stade s’est mis à chanter à fond « Désenchantée » à la place de la sono. Pour ne pas être pris au ventre, il faudrait vraiment être de marbre. De toute façon, les Stades qu’on vient de vivre avec Mylène resteront tous de grands souvenirs. Surtout grâce à la scène centrale. J’avais déjà fait une scène centrale avec Johnny, mais elle était à 30 mètres de la scène principale. Celle-ci était à 65 mètres. Se retrouver tous les deux au milieu d’un stade est juste quelque chose d’exceptionnel. Se retrouver en communion avec cette marée humaine m’a transporté. La qualité d’écoute à atteint des sommets pendant ces piano-voix : on a entendu les mouches voler… je suis fatigué d’entendre ou de lire des choses désagréables sur Mylène parce que c’est quelqu’un qui chante extrêmement bien dans son registre. Mylène a une voix qui est extrêmement suspendue, qui a maintenant une maturité superbement intéressante… Et puis, il faut y aller pour chanter quatre piano-voix de suite dans un Stade de France blindé ! En chantant toutes les notes ! C’est une performance de haut vol.

Le sujet Mylène Farmer semble vous énerver ?
Non, je dis juste que ce n’est pas parce qu’on n’a pas une grosse voix qu’on ne chante pas bien.

Vous conviendrez quand même que ses interprétations étaient plus dans l’émotion que dans la justesse, en tout cas le 11 septembre au Stade de France… Ceci dit, c’est bien qu’elle ouvre enfin vraiment les micros…
J’entends souvent dire que Mylène fait du play-back, mais c’est faux. Cela fait quatre spectacles que je fais avec elle et on ne fait jamais de play-back !

Les musiciens, non, mais Mylène ouvre plus ou moins les micros : il y a des voix enregistrées pour la soutenir, et les choristes se chargent des notes les plus hautes, non ?
Moi, ce que je vous dis, c’est qu’elle chante toutes les chansons du début à la fin et qu’elle ne fait jamais de play-back. Et il faut y aller ! Parce que danser et chanter en même temps, ce n’est vraiment pas facile. Mylène met un point d’honneur à ne jamais faire de play-back et je trouve que c’est très courageux et tout à son honneur. Et si vous me le demandez, je vous dirais : le plaisir que j’ai à faire ces spectacles qui sont liés à sa gentillesse, le bonheur que j’ai de travailler avec elle, et avec son producteur qui est un homme exceptionnel. Il s’appelle Thierry Suc et je l’adore par-dessus tout. On a également fait ensemble la tournée de Nougaro et il sera le producteur du spectacle qui sera dérivé de mon album. Vous allez me dire : « Encore une famille ! ». Sans doute mais, après tout, il n’y a pas de mal à bien aimer les gens avec lesquels on travaille. Mylène a cette capacité à vous mettre le frisson avec sa voix suspendue un instant, c’est quelque chose qui n’appartient qu’à elle. Sa capacité à transmettre des émotions comme ça est quelque chose de miraculeux. La qualité de son timbre naturel est unique. Et moi, je me régale avec elle… Vous allez me dire que ce n’est pas possible d’apprécier ça et de mixer, trois jours après, Roberto Alagna qui n’a pas une seule note à moins de 103 db, et bien si ! Je me considère comme un privilégié de profiter de tous ces talents variés, d’être tous les jours content d’aller travailler… J’adore aussi Florent parce que, grâce à lui, on peut aller dans des territoires où tout le monde a peur d’aller. Lui, il fonce. On fait du Brel, de la musique classique… J’ai eu autant de plaisir à faire avec quatre musiciens des Olympias où il chantait Brel qu’en faisant un Stade de France avec Johnny ou Mylène. Le plaisir de jouer n’est pas proportionnel au nombre de personnes dans la salle ou le stade, c’est comme pour les voix, la qualité n’est pas proportionnelle au nombre de décibels.

Quelle est la chanson de Mylène que vous préférez ?
« Ainsi soit Je… ». Il y a plein de chansons que j’aime beaucoup mais, celle-là, je la trouve absolument sublime.

Propos recueillis le 25 septembre 2009 par Jean-Pierre Pasqualini.

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